Kanchanaburi
Et nous voici de retour en Thaïlande avec un nouveau visa d’un mois tout neuf. Cette première étape a Kanchanaburi fut pleine d’émotion. Allez, un peu d’histoire (attention, je me suis laissée emporter par le sujet):
En décembre 1941, le Japon a voulu créer une nouvelle route afin de connecter ses nouveaux territoires (il possédait tout jusqu’a Singapour) et éviter d’utiliser des bateaux dans la baie du Bengale. La vallée de la rivière Kwaï fut choisie pour relier la Thaïlande a la Birmanie par une voie ferrée de 415 kilomètres. 60 000 prisonniers de guerre capturés en Asie du sud-est (australiens, anglais, hollandais et américains) et 200 000 travailleurs asiatiques furent contraints de la construire. Les travaux commencèrent des deux cotés en juin 1942 et furent terminés en seulement 15 mois.
Les conditions étaient inhumaines: très peu de nourriture, de l’eau peu potable, des lieux d’hébergement sales et trop petits. Les maladies tropicales frappèrent, surtout pendant la mousson. Il n’y avait pas d’hôpital ou de médicaments et les médecins devaient essayer de sauver des vies avec ce qu’ils trouvaient. Beaucoup sont morts du choléra, du paludisme et de dysenterie due a la sous-alimentation. Le travail était très dur avec des journée 18 heures, a travers la jungle et la montagne avec pour seuls outils des marteaux, des pics et de la dynamite. Enfin, les trop longues marches et la brutalité des responsables (punitions ou violence physique) contribuèrent a ce que 16 000 prisonniers de guerre et 100 000 travailleurs asiatiques y laissent leur vie.
Les prisonniers étaient solidaires et essayaient de supporter cette période en pensant aux gens qui les attendaient chez eux, en dessinant la nature qui les entourait ou en racontant dans des journaux l’horreur qu’ils vivaient. Le seul moyen d’en finir était d’achever la construction. Certains essayaient de saboter discrètement les ouvrages afin de ne pas aider le Japon dans ses projets expansionnistes, en n’enfonçant pas suffisamment certaines parties, en mettant des termites près des piliers de bois. Discrètement car si l’édifice s’écroulait, il fallait le reconstruire et si on était pris en flagrant délit de sabotage, la punition était la mort.
La ligne ne connut que 2 ans de service. Le Japon capitula le 15 août 1945 et les anglais détruisirent 4 kilomètres de voie afin d’empêcher qu’elle ne serve aux séparatistes karen de Birmanie. Quand les thaïlandais en reprirent le contrôle, ils en démontèrent une grande partie car la ligne n’était pas rentable économiquement. 40 kilomètres sont maintenant sous l’eau, un grand réservoir ayant été créé en inondant une vallée.
Le musée du “Death Railway” raconte tout cela. Il est vraiment fascinant avec de nombreuses explications, des vidéos montrant les témoignages des rescapés, des objets ayant appartenu a certains prisonniers…
Juste après la capitulation du Japon, une expédition comprenant des prisonniers de guerre ayant travaillé sur la ligne de chemin de fer, a été lancée afin de retrouver tous les corps le long de la voie et de les regrouper dans des cimetières qui pourront être entretenus et ou les proches pourront venir se recueillir. Les japonnais ne voulaient pas déranger les morts et les prisonniers avaient le droit d’enterrer leurs morts dans des tombes et de petits cimetières. Ils pouvaient parfois même y cacher des journaux ou des objets racontant ce qui se passait. Il y a ainsi 2 cimetières de guerre a Kanchanaburi, le plus grand contient 6982 tombes de prisonniers de guerre et le plus petit 1750. Des inscriptions des proches sont gravées sur les plaques. Beaucoup regrettent d’avoir perdu des gens qu’ils aimaient sans avoir pu leur dire au revoir, surtout quand on sait l’horreur dans laquelle ils ont vécu pendant parfois des années. Certains corps n’ont pas pu être identifies. La plupart n’avait pas 30 ans.
Enfin, il y a le fameux pont sur la rivière Kwaï. Il n’a rien d’extraordinaire mais c’est assez effrayant de le traverser a pied. On voit la rivière en dessous et rien ne nous empêche de basculer a la moindre rafale de vent. L’endroit n’a pas grand chose a voir avec le film de 1957, mondialement connu, qui d’ailleurs a été tourné au Sri Lanka! Ce n’est pas la partie qui fut la plus difficile a construire ni celle ou il y a eu le plus de morts mais le pont représente a présent un mémorial de guerre. Il fut endommagé en 1944 et 1945 par les bombardements alliés puis réparé après la guerre et est toujours utilisé aujourd’hui. Ce qui est amusant, c’est que la rivière ne s’est jamais appelée Kwaï mais Mae Khlong. Ce sont les prisonniers de guerre qui ont fait l’amalgame entre un endroit ou l’on gardait les buffles (kwaï en thaï) et le nom de la rivière. Elle fut renommée après le succès du film et les milliers de touristes qui venaient voir un pont sur une rivière Kwaï qui n’existait pas.
Nous sommes allés a Hellfire pass. Encore un très bon musée. Mais ce qui est incroyable c’est qu’ici, on peut aller voir l’endroit ou la montagne a été creusée afin que la pente de la voie ferrée soit régulière. Ces kilomètres furent les plus longs et les plus brutaux. Le nom vient du fait que le reflet du feu et les ombres projetées sur la roche lorsque les hommes travaillaient la nuit faisaient penser a l’Enfer.
Nous en sommes revenus en train, par la partie encore utilisée. Le paysage est magnifique et c’est vraiment difficile de réaliser les conditions dans lesquelles la ligne a été construite.